ALCHIMIE

 

"Les alchimistes utilisèrent sans malice les symboles de la foi chrétienne tout simplement parce qu'ils 'collaient' avec les arcanes de leur propre gnose" (p.8)

"L'usage d'une terminologie d'obédience chrétienne, justifiée par l'environnement culturel, de plus en plus sollicité en Occident pour symboliser la recherche alchimique, peut égarer le lecteur. Les références à la Passion du Christ, à sa descente aux Enfers et à sa Résurrection ne sont pas des leurres mais des 'renvois' symboliques destinés à faire entendre le sens profond des opérations dans l'athanor et le creuset." (p.8)

Jean-Michel Varenne, Nicolas Flamel, De Vecchi, 2001

 

" Le terme d'"alchimie" au sens strict du mot suggère un stade préliminaire ou primitif de la chimie. Cependant, l'alchimie n'a jamais été une proto-science bien qu'elle partage avec la science le même objectif, la conquête du savoir, le but ultime étant de parvenir à la connaissance de soi et à la complétude. Dès le début, l'alchimie a eu une dimension transcendantale, un souci éthique et une approche mystique tout à fait étrangers à la méthodologie scientifique moderne.
La Pierre Philosophale est le terme qui désigne l'objet du travail de l'alchimiste, il souligne le fait que la quête de l'alchimiste vise " la Connaissance d'Or " (aurea apprehensio). L'importance fondamentale de cette notion dans les écrits alchimistes provient du fait que l'alchimiste acquiert la connaissance à laquelle il aspire au cours de sa quête, la recherche étant plus importante que la récompense. La recherche est la récompense puisque la connaissance, autrement dit la conscience de soi, est la condition préalable à la liberté qui est le but ultime de l'alchimie " (pp.23-24)

" La confusion faite au sujet de la véritable nature de l'alchimie avait pour origine l'interprétation littérale de ce qui est censé être métaphorique. Quand les premiers alchimistes parlaient de transmuter un métal ordinaire en or, ils identifiaient le 'métal de base' plomb ou or métallique (aurum vulgi) à, respectivement, l'ignorant ou le néophyte, et l'or, appelé or philosophique (aurum philosophorum) à la Compréhension d'Or (aurea apprehensio) qui est l'objectif à atteindre par l'adepte. (p.44)

Arturo SCHWARZ, Kabbale et Alchimie, Oxus, 2005

 

" Dès les premiers temps, l'alchimie a eu une double face : d'une part, un travail chimique pratique en laboratoire ; d'autre part, un processus psychologique, en partie consciemment psychique, en partie inconsciemment projeté et vu à travers les diverses transformations de la matière. "

Carl Gustav Jung, Psychologie et Alchimie


" Certes, je suis d'avis que la psychologie peut ôter à l'alchimie son vêtement de mystère, mais elle ne déchiffre pas le secret du secret. C'est pourquoi l'on doit s'attendre qu'une époque à venir considérera également notre recherche comme métaphorique et symbolique, de même que nous l'avons fait pour l'alchimie. On verra alors le mystère du Soi développer un aspect qui est aujourd'hui encore inconscient pour nous, quoiqu'il se trouve impliqué dans nos formulations, mais d'une façon si voilée que le chercheur de demain se demandera à son tour si nous savions ce que signifiaient les mots que nous employions. " p.222

Carl Gustav Jung, Mysterium conjunctionis, tome 1, Albin Michel, 1980


" En dépit de leur 'méthode hérétique' (elle l'était incontestablement) les alchimistes ont montré dans leur attitude vis-à-vis de l'Eglise chrétienne plus de perspicacité que certains modernes philosophes des Lumières "

Carl Gustav Jung, Mysterium conjunctionis, p. 314

 

L'alchimie " est véritablement un mouvement spirituel secret et compensatoire de la doctrine religieuse officielle, de la même façon que les rêves sont en partie complémentaires et en partie compensatoires par rapport à la conscience du rêveur."

Marie Louise von Franz, La voie de l'individuation dans les contes de fées, traduction de Francine Saint René Taillandier, La Fontaine de Pierre, 1978, p. 100.

 

" Je suis d'avis que l'espoir des alchimistes de tirer l'or philosophique, la panacée, ou la pierre miraculeuse de la matière d'une part, est une illusion déterminée par des projections, mais d'autre part, correspond à certains faits psychiques qui sont d'une grande importance dans la psychologie de l'inconscient. "

Carl Gustav Jung, Psychologie et alchimie, p. 607

 

" L'alchimie mérite une mention spéciale. Importante parce qu'elle a conservé et transmis les doctrines hermétiques de l'antiquité tardive, elle l'est aussi pour le rôle qu'elle a joué dans l'histoire de la culture occidentale. "

Mircea Eliade, Rites, sociétés secrètes, Folio Gallimard, p.261

 

" La fonction primordiale, fondamentale, de l'alchimie : être une science cosmologique et sotériologique." Cette fonction s'est altérée pour céder la place peu à peu à une science empirique, de laboratoire.

Mircea ELIADE, Cosmologie et alchimie babyloniennes, Vremea, 1937 et Gallimard, 1991 - traduction Alain Paruit, p. 21

cosmologie : science qui étudie les lois de l'Univers, de son fonctionnement dans son ensemble.
sotériologie : science théologique traitant du salut de l'humanité, de sa rédemption.

" Ainsi 'Hermès Trismégiste', avec le néoplatonisme et le kabbalisme, aurait joué un rôle d'une importance insolite dans la formation de la destinée humaine au cours de cette période où il exerçait une glorieuse ascendance sur l'esprit occidental. "

Frances Yates, Giordano Bruno et la tradition hermétique, Dervy, 1988, p.191

 

Jacques Lefèvre d'Etaples (v.1455 – 1536) fut le premier à importer l'hermétisme en France. Il avait rencontré Marsile Ficin (1422-1499) et Pic de la Mirandole (1463-1494) en Italie. En 1505, il réunit pour la première fois en un seul volume dédié à Guillaume Briçonnet le Pimandre de Ficin et l'Asclépius, tout en formulant des mises en garde contre la magie de l'Asclépius dans le passage traitant de la fabrication d'idoles.

Symphorien Champier (1471–1538), grand admirateur lui aussi de Ficin, fut un des principaux introducteurs du néoplatonisme en France. Son De Quadruplici Cita (de 1507) est calqué sur le Libri de vita de Ficin, à l'exclusion des talismans du De vita coelitus comparanda contre lesquels il met en garde. Le tout premier, il avança que le passage magique de l'Asclépius n'était pas l'œuvre d'Hermès, mais une interpolation d'Apulée de Madaure dans sa traduction latine.

Tout en suivant Ficin et Pico de la Mirandole, la tradition hermétique française prit grand soin d'éviter la magie.

Il fallut attendre Isaac Casaubon, l'un des plus brillants hellénistes de son temps, pour qu'en 1614 soient réattribués les écrits hermétiques non plus à Hermès Trismégiste, prêtre égyptien de la haute Antiquité, mais à des auteurs de l'époque post-chrétienne. Ainsi s'écroulait le néoplatonisme de la Renaissance aux fondations hermético-kabbalistiques et également l'hermétisme chrétien et non magique du 16ème siècle.

 

Mais demeurons dans les années de création de La Chasse et n'oublions surtout pas que Jean Perréal, autrement nommé Jehan de Paris, est l'auteur d'un long poème, La Complainte de Nature à l'Alchimiste errant, de 1 822 octosyllabes écrit en 1516 et dédié à François 1er.

Il avint ung jour que Nature
En disputant a ung souffleur,
Hardiment luy dist : " Creature,
A quoy laisse-tu fruict pour fleur ?
N'as-tu honte de ta folleur ?

Pour Dieu, laisse ta faulceté
Et regarde bien ton erreur.
Raison le veult et Verité :
Renge-toy a subtilité.
Entens bien mon livre et t'y fie :
Autrement, c'est ta pauvreté.
Laisse tout, prens philozophie.

D'aultre part, je te certiffie -
Et me croiz qui suis esperit -

Personne n'est qui verifie
Autre que moy l'avoir escript.
Rien n'est ne fut qui onc le veit :
Je l'ay fait pour toy qui le prens,
Si tu l'entens bien, tu apprens.

Unique miniature illustrant La Complainte de Nature à l'Alchimiste errant - Musée Marmottan, Paris - 18,1 x 13,4 cm

Les prénom et nom de l'auteur apparaissent en acrostiche dans ce poème introductif

 

Pour atteindre la page "Jean Perréal poète ! Jean Perréal, alchimiste ? " : cliquer ici

 

 

 

 

 

 

Le sceau de Salomon détermine 13 "points de Lumière" :

1- la Lumière primordiale : FIAT LUX, le Saint Esprit

2- le Bois (de construction)

3- la main de Saint Jacques touchant la coquille = le soleil (*)

4- la Loi représentée par le doigt levé et l'objet pour écrire (ou le cœur d'Hermès Trismégiste)

5- l'Equerre

6- la main de Saint Jean de qui vient la Lumière par son Apocalypse

7- le Centre : Le Père : Dieu créateur (la Pierre philosophale)

8- les "langues de feu" de la Pentecôte (les feuilles d'or) ? ou la corde à 13 nœuds utilisées par les architectes et les constructeurs

9- le Compas

10- les 12 Roses

11- l'œil du cerf : la Lumière traverse le Roi et l'illumine

12- Les Fruits d'Or (des oranges)

13- la licorne et la croix blanche : le Fils : le Christ

(les 13 étoiles sur les billets des Etats-Unis sont disposées selon cet agencement)

(*) Autrefois, la coquille que le pèlerin rapportait de Saint-Jacques de Compostelle ou du Mont Saint-Michel se nommait " la mérelle " ou " marelle ". La " mérelle ", c'est dans la Langue des Oiseaux " la mère de El " = " la mère de la Lumière " (El = Elohim = Dieu). Elle a donné sa forme au bénitier qui devient pour les alchimistes le réceptacle du Mercure.
http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/ASavoret/Initiation/lebourdo.html


"L'alchimie : une permutation des formes par la lumière." Fulcanelli

 

"L'hermétisme propose une purification initiatique, un processus par lequel la vie retrouve sa perfection originelle, une conquête de l'Or, c'est-à-dire de la lumière qui est immortalité." Jean Biès

 

 

Allégorie du Grand Œuvre comme 'mont des Philosophes'
gravure illustrant la Cabala, speculum artis et naturae
in Alchymiae de S. Michelspacher, 1616

Dans cette image : La Montagne des Adeptes ou Temple des Sage : en bas, à droite : l'homme aveuglé et à gauche, le chercheur qui suit l'instinct naturel (représenté par les deux lapins)

Ces deux petits lapins blancs sont sous la protection du cerf royal .

Ces deux lapins, l'un entrant dans leur terrier et l'autre en sortant, sont à considérer comme l'alchimiste pénétrant dans la caverne à la recherche du minerai, la prima materia pour la fabrication de la pierre philosophale.

Le sigle " V.I.T.R.I.O.L. ", acronyme d'une phrase latine, condense la doctrine des alchimites : " Visita interiorem terrae rectificando invenies operae lapidem ", soit, dans la traduction de Jean Servier, " Descends dans les entrailles de la terre ; en distillant, tu trouveras la pierre de l'œuvre. " Ou " Visita Interiora Terrae Rectificando Invenies Occultum Lapidem ", soit " Visite l'intérieur de la terre ; en rectifiant, tu trouveras la Pierre cachée. "

 

Les lions qui crachent l'eau sont sans doute à considérer comme le "Lion Rouge" qui distribue l'or potable, c'est-à-dire l'élixir d'immortalité.

L'alchimie se veut la reproduction de la "semaine" créative de la Genèse.

Cette tapisserie évoque la première page du Corpus Hermeticum : l'action du Dieu créateur organisant le Chaos en Cosmos par le Logos : la licorne par l'action de sa corne dans l'eau (le Chaos) indique le Logos créant le Cosmos (la margelle et l'eau de la fontaine, les cercles concentriques provoqués par la chute de l'eau représentent les courses des planètes. http://remacle.org/bloodwolf/erudits/hermestrismegiste/livre1.htm#III

 

 

Se lit sur la margelle du puits : « le mercure, qu’il soit minéral, végétal ou animal, est un. ». Les fluides qui tombent dans le bassin se nomment : « lait virginal », « âcre vinaigre » et « eau vive ». Ensemble, ils donnent une eau claire qui purifie toute chose.

 

 

La fontaine mercurielle :

« Mercure est le dieu des Alchimistes (l'Hermès grec, le Thot égyptien). L'eau purificatrice est celle de la vie quotidienne, de ses épreuves. Le dragon à deux têtes : ce sont les contradictions qui nous meuvent, ces forces souterraines qui sont en nous. Dans ces opposés réside une énergie, source de réconciliation. L'étoile à six branches représente l'union de l'esprit et de l'âme. Née dans les airs, l'étoile retombe sur le sol, car la réalisation ne se fait que sur la terre. Le soleil et la lune sont les archétypes parentaux.

Les quatre étoiles sont les quatre éléments correspondant aux quatre fonctions qui devront être fixés (stables). La cinquième est la quintessence : le centre. La fontaine est au milieu du bassin, notre être intérieur. Les pattes qui la soutiennent portent la vie. Les trois tuyaux ont chacun un nom de conciliation ("lait de vierge", etc.) Tant que les quatre éléments sont séparés, l'être se met à l'abri d'une névrose. Peu à peu, en étudiant les rêves, les émotions, l'ordre vient. Chaque fois, en effet, qu'un chercheur part vers l'inconnu, l'esprit-guide inconscient le conduit vers des archétypes immuables. L'inconnu est rempli de projections. La légende traite de l'eau qui est le temps, l'inconscient immobile. La fontaine, c'est l'activation de cet inconscient. L'intégration de ces contenus inconscients, c'est la "médecine universelle. » Rolande Biès

 

https://www.cgjung.net/alchimie/1992/septembre.htm

 

http://aqua-permanens.blogspot.fr/2010/11/la-source.html

 

 

fons et origo : source et origine

Illustration extraite de la Turba philosophorum

BnF, Département des manuscrits, Latin 7171, fol. 4r.

 

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b105380640/f49.item.r=Turba%20Philosophorum

 

La Turba philosophorum ou Tourbe des Philosophes (= Assemblée des philosophes) est un des premiers textes de l'alchimie de l'occident médiéval. Il en existe deux versions. Une latine du XIIIe siècle, la Turba Philosphorum proprement dite, traduction d'un traité arabe du Xe siècle. Et une en français, dite Turba Gallica, du XVe siècle, traduction probable d'un original en castillan du XIIIe siècle.

La fontaine, de par sa forme, représente aussi l'Œuf Primordial.

Elle évoque le Nombre, l'Idée de Nombre qui pré-existe à l'existence des choses. Les Nombres sont à la fois métaphysiques et physiques. C'est ainsi qu'il y a : 1,2,3,4...

Elle évoque le mariage alchimique entre la licorne et le cerf, le Soufre et le Mercure.

le cerf et la licorne, symboles de l'esprit et de l'âme de la matière première,
dans la forêt hermétique, De Lapide Philosophorum, Lambsprinck

Le couple mâle-femelle pouvait aussi être représenté par des animaux de sexe différent : un cerf et une licorne comme ci-dessus (le cerf représente l'âme, la licorne l'esprit et la forêt le corps), un lion et une lionne,

De lapide philosophica de Lambsprinck (1625)

deux aigles, deux chiens (chien de Corascène pour le Soufre et chienne de d'Arménie pour le Mercure) comme ceux qui accompagnent en deçà de la rivière le Pèlerin.

Notre Pèlerin paraît suivre les trois phases des rituels d'initiation :

— il "chemine", face à nous, séparé de ses semblables par la rivière. Cet isolement semble un exil volontaire. Nulle douleur apparente, mais un "voyage" dans le dépouillement, les yeux grands ouverts. Coupé de ses racines, il abandonne lentement ses anciens modes de pensée et de vivre dans l'espérance d'une vie nouvelle

— il n'est pas soumis lui-même à des épreuves physiques effrayantes ou douloureuses mais il côtoie La Passion de la Licorne. Il découvre la nature de la mort, conçu non comme un jugement dernier mais une étape vers la libération et la réparation, comme protégé par une Femme que représenteraient les deux chiens aux armes d'Anne de Bretagne (selon notre hypothèse). Il marche vers un "autre monde", à l'opposé de la barbarie du monde dit "normal".

— enfin, au terme d'une longue "marche", il est réintégré dans le groupe qui l'attend, dans un nouvel état de conscience.

 

 

" Les noces des métaux, dont les alchimistes médiévaux et rosicruciens parlaient dans un sens mystique, représentent une idée plongeant ses racines dans les premières intuitions humaines.
[…]
Concernant la " sexualité " des corps inanimés, Mircea Eliade écrit qu' " il s'agit ici de la conception courageuse d'un Univers vivant formant un tout harmonieux. Les notions de " naissance " et de " renaissance " étant unies par des liens étroits, le symbolisme religieux de tous les temps devait nécessairement utiliser des expressions physiologiques et érotiques. Il ne s'agit d'ailleurs même pas de l'idée religieuse de la " renaissance ", mais seulement d'une conception cosmologique de la Vie divisée en deux sexes, conception rendant possible une vision totale de l'Univers, lequel englobait, nous l'avons vu, non seulement les êtres animés, mais aussi les objets " morts " et même ceux faits par la main de l'homme.

N'oublions pas que, dans une Weltanschauung fondée sur une parfaite homologie Ciel-Terre et sur la Magie, toutes les choses participent aux archétypes, toutes ont certaines vertus magiques, par elles-mêmes ou par participation. Il suffit qu'un objet inanimé ait une certaine forme ou une certaine couleur pour qu'il soit investi de toutes sortes de potentialités et de vertus magiques.

L'idée selon laquelle tout au monde est gouverné par la même loi de la vie - l'amour, la sexualité - n'a pas disparu en même temps que les civilisations mésopotamiennes. Il s'agit là de structures mentales changeant très lentement, en particulier dans le monde eurasiatique et méditerranéen. (pp. 80-82)

Voir les illustrations du Rosarium philosophorum :
http://www.alchemywebsite.com/prints_series_petrus.html

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" Puisqu'ils peuvent " aimer " et célébrer leurs " noces ", les métaux sont, de toute évidence, doués d'une certaine sensibilité. En effet, les textes alchimiques hellénistiques et arabes parlent de la " torture " des métaux. Le mot désignant les " opérations chimiques " est celui-ci même : torture. Les métaux sont soumis à la grande loi mystique - élaborée par le monde alexandrin et chrétien - selon laquelle la vie éternelle ne peut pas être obtenue sans souffrance et sans mort.

On retrouve cette idée " mystique" de la souffrance des métaux dans un texte alchimique très connu, Turba Philosophorum : Eo quod cruciata rex, cum in co submergitur, vertit ipsum in naturam inalterabilem ac indelibilem. Julius Ruska précise que le mot " torture " était purement allégorique chez les alchimistes grecs. Il ne commença à désigner une " opération chimique " que dans l'alchimie arabe, d'ailleurs dans un sens assez mystérieux.

Le Testament de Dja'far al-Sâdiq précise que les corps morts doivent être torturés par le Feu et par tous les Arts de la Souffrance afin de les faire accéder à la résurrection, car sans souffrance et sans mort il ne saurait être question de vie éternelle.

Nous nous trouvons là, en plein Moyen Age, devant des idées qui remontent aux plus anciennes intuitions mésopotamiennes.

D'autre part, il est aisé d'y déchiffrer une autre forme de " la mystique de la création ", dont nous nous sommes occupé au début de ce chapitre. L'alchimiste arabe dit que, sans souffrance et sans mort, on ne saurait espérer une vie éternelle, et les traditions archaïques de la Création affirment que l'homme et tout ce qui est vivant ont été engendrés par le sang du dieu, par sa mort, par ses souffrances.

De même, les constructions érigées par l'homme ne pourraient pas durer (ne pourraient pas avoir, dans le sens de la matière, une " vie éternelle ") si quelqu'un, homme ou animal, n'était pas sacrifié dans leurs fondations. Il y a certes, dans les textes arabes cités ci-dessus, une " mystique alchimique" créée et nourrie par de nombreuses sources spirituelles (la gnose chrétienne, le soufisme persan, etc.) et dont les significations dépassent les rudimentaires documents mésopotamiens. Il s'agit ici de la souffrance rédemptrice, de la mort qui doit être expérimentée volontairement pour accéder à la vie éternelle ; ces significations furent découvertes et approfondies lors de l'apparition du christianisme. Mais il y avait eu précédemment une longue préparation orientale. "

Mircea ELIADE, Cosmologie et alchimie babyloniennes, p. 85-86

 

Arnaud de Villeneuve, le premier, au 13ème siècle, rapprocha l'alchimie du christianisme en comparant le travail du Mercure à la Passion du Christ, et l'élixir-panacée au Christ lui-même.

" Les alchimistes occidentaux ont intégré leur symbolisme à la théologie chrétienne : la 'mort' de la matière était sanctifiée par la mort du Christ qui en assurait aussi la rédemption. C. G. Jung a brillamment dégagé le parallélisme Christ- Pierre Philosophale et l'audacieuse théologie qu'il implique.
Il est essentiel de bien saisir le plan sur lequel se déroule l'œuvre alchimique. Sans le moindre doute, les alchimistes alexandrins furent conscients dès le début qu'en poursuivant la 'perfection des métaux', ils poursuivaient leur propre perfection. " (p.134)

Mircea Eliade, Forgerons et Alchimistes, Flammarion, 1977

Des traités alchimiques expliquent que la Passion du Christ et la quête alchimique sont identiques : elle passe par la souffrance. Cette "pérégrination", avant d'arriver à voir la Lumière, ne se déroule pas sans terreurs et frissons, comme le révèlent aussi les textes et les rites d'initiation : il faut "passer le seuil de la mort".

Pour la tradition alchimique, la Pierre Philosophale (Lapis philosophorum ) incarne le but ultime de la quête matérielle, mais surtout spirituelle, et s'apparente au Christ. Au Moyen Âge, de nombreux textes alchimiques établissent un parallèle entre le Lapis philosophorum et le Christ, par l'analogie de la mise au creuset dans l'athanor et de la crucifixion.

Comme tous les composants de l'Œuvre, la 'pierre' peut se nommer : Matrice, Œuf, Chaos, Minière, Semence, Terre, Vent d'Orient, Grand Elixir de quintessence…

Selon Zozime de Panopolis : " Cette pierre est une chose qui se trouve en toi plus fixe (que nulle part ailleurs), créée par Dieu, et tu en es la minière -la prima matera- ; elle est extraite de toi, et, où que tu sois, elle reste inséparablement avec toi … Elle est fixée en toi dans le mercure des sages … Elle ne peut pas être parfaite sans toi, et tu ne peux pas vivre sans elle. "

 

Quelle est la signification de ces feuilles de néflier rassemblées au pommeau de l'épée de ce chasseur.

1- Alchiminier : vieux nom français du néflier (Nouveau dictionnaire de médecine, chirurgie, pharmacie, physique, chimie, histoire naturelle, etc où l'on trouve l'étymologie de tous les termes usités dans ces sciences, et l'histoire concise de chacune des matières qui y ont rapport par A. Béclard, Chomel... H. Chaquet... J.Cloquet... M.Orfila... Paris, Méquignon-Marvis, Crochard, Gabon, 1821-1822. 2 vols., 21 cm. VI-829 p. + 663 pp).

Cet arbuste et l'alchimie sont-ils liés pour l'artiste ?

2- " Le bois du nefflier est dur, ferme, compacte & massif; il est propre aux ouvrages de fatigue & de durée, surtout pour les menus bois qui entrent dans la construction des moulins. Les Menuisiers s'en servent pour la monture de leurs outils. "
Au Pays Basque, son bois, au grain très fin et qui ne fend pas ou peu, est utilisé pour fabriquer la Makhilak, canne sculptée initiatique, bâtons honorifiques des bergers basques.

3- La nèfle, préconisée pour régulariser les fonctions intestinales, se consomme blette. Dans le langage populaire, elle est encore nommée "cul de chien". Des expressions prouvent sa "mauvaise réputation" : "après le navet, la nèfle", "être pourri comme une nèfle", "travailler pour des nèfles".

4- En héraldique :
- un néflier fruité d'argent symboliserait une politique habile.
- un néflier fruité de gueules symboliserait la patience volontaire.
- un néflier fruité d'or symboliserait le conseil prudent.

 

 

 

— la harpe : le cerveau de Dieu créateur et l'instrument d'Orphée, de David, de tous les musiciens créateurs.

Michel-Ange, La Création d'Adam, fresque de la Chapelle Sixtine

 

Ne voit-on pas des branches de laurier et de chêne 'couronnant' par le bas le 'perro réal' ? (Laurier, symbole du triomphe héroïque et de force éclatante signifiant que "l'or y est")

Le laurier peut-être considéré comme l'arbor philosophica des alchimistes qui ne peut, disait-on, être endommagé ni par la foudre ni par le gel. Ainsi, pouvait-il symboliser la Vierge (modèle de toutes les femmes) et le Christ (modèle de tous les hommes). C.G. Jung y verrait le symbole du Soi.

 

La pierre réale = la Pierre Philosophale

"...de tout temps et en tout lieux l'alchimie a mis en rapport la représentation de sa pierre, lapis, ou de des minera, avec l'idée de l'homo altus ou maximus, c'est-à-dire l'Anthropos." C.G. Jung, L'Ame et le Soi, p.85.

Le Christ est la Pierre Philosophale des alchimistes, et réciproquement.
La réalisation du Grand Œuvre était considérée et vécue par les alchimistes chrétiens comme la Passion du Christ, sa mise au tombeau et sa résurrection.

« La pierre philosophale n’a cessé d’être considérée comme étant l’enfant divin né de l’art alchimique, conformément à l’image du processus de mort et de résurrection. La nigredo, la noirceur, est constamment comparée à l’état de mort pendant lequel le cadavre se décompose dans la tombe ; l’albedo est le moment où l’on se débarrasse  par lavage de cette mort et de la puanteur de la tombe. Enfin naît l’enfant, qui est l’enfant Mercure, l’enfant divin ou la pierre philosophale, et qui est en même temps, simplement la philosophie alchimique renouvelée. »
Marie-Louise von Franz, Les mythes de création, Fontaine de Pierre, 2004, p. 274.

 

L'alchimiste a suivi les fondamentaux de l'initiation : la lente maturation spirituelle, la découverte progressive de soi, l'accès enfin à une conscience morale.

Il doit faire preuve de sincérité, d'obstination, de désintéressement, de lenteur réfléchie et de piété.

L'alchimiste, qui doit être solitaire, est parvenu au terme de sa quête, de sa recherche : la Pierre Philosophale.

La légende prétend que sous la corne de la licorne se trouve une pierre précieuse, l'escarboucle. Le mystère de la corne, essence de la licorne, a été assimilé par les alchimistes, aux propriétés générales de leur Pierre qu'ils nomment "escarboucle".

Peut-on la voir au pommeau de l'épée du pèlerin et à celui du dauphin, cadeau de l'artiste ? La "pierre royale" peut se lire Perréal, alchimiste à ses heures. La Licorne morte a la corne coupée et sa pierre recueillie se veut la signature "alchimique" du peintre Perréal. (Cf. page Perréal dans le site La dame à la licorne, version longue)

 

" L'alchimiste occidental, dans son laboratoire, tout comme son collègue indien ou chinois, opérait sur lui-même, sur sa vie psychophysiologique aussi bien que sur son expérience morale et spirituelle. "
Mircea Eliade, Forgerons et Alchimistes, Flammarion, 1977 (p.136)

 

 

Une couronne de chêne entoure le col de la licorne : pour célébrer une victoire (sur la matière et soi-même) ?

Paracelse (1493-1541), contemporain de Jean Perréal, portait au côté une épée dont il ne se séparait jamais. Il la nommait son Azoth et son pommeau aurait contenu l’Émeraude des Sages ou Pierre d’Hermès ou encore Émeraude alchimique, tombée du ciel du front de Lucifer.

 

Le poète allemand Lamprecht der Pfaffe (le prêtre) écrit dans son Alexanderlied (La chanson d'Alexandre) composé entre 1160 et 1170 qu’Alexandre le Grand reçoit en cadeau de la reine Candace une licorne porteuse d’une escarboucle. Depuis l’Antiquité, on croyait que certains animaux portaient certaines pierres précieuses : le sauritis que Pline place dans le lézard vert, le celidôn ou pierre d’hirondelle, le dracontites dans la tête du dragon. Dans son ouvrage de science naturelle intitulé Liber subtilitatum diversarum naturarum creaturarum (Le livre des subtilités des créatures divines,connu sous le nom de Physica ou Liber simplicis medicinae), l’abbesse Hildegarde de Bingen (1098-1179) mentionne sous la corne de la licorne un minerai transparent comme le verre. Le poète allemand Wolfram von Eschenbach (1170-1220), dans son Parzival (Perceval) écrit qu’une escarboucle prise à la racine de la corne d’une unicorne est introduite dans la blessure située dans les parties viriles d’Amfortas, le roi du Graal.

— L'escarboucle (du latin carbunculus = petit charbon, sous-entendu charbon ardent, rougeoyant) est l'ancien nom du rubis.

— Selon les légendes médiévales, l'escarboucle serait la pierre portée au milieu du front par les dragons et les vouivres.

En héraldique, les rais d'escarboucle représentent le rayonnement de cette pierre incandescente qui aurait peut-être, dans un temps très lointain, occupée le centre des boucliers, umbo, l'ombilic. (par exemple : les armes du roi de Navarre, De gueules, aux rais d'escarboucle d'or)

-— Symbolisme chrétien du chiffre 8 :
8 est en tout premier lieu la totalité de l'homme ( sept + Un ). Le Christ manifeste cette symbolique quand Dieu le Fils ( " 2 " ) assume son humanité en Jésus ( " 2 x 4 " ).
http://catholiquedu.free.fr/code_secret/alefbetlettre8rhet.htm

 

Pour expliquer notre hypothèse relative au couple "roi - reine" et aux deux escarboucles, cette citation (p.38-39) d'Arturo SCHWARZ, Kabbale et Alchimie, Oxus, 2005 :

" Dans le système alchimique, l'individuation trouve son expression dans le rebis (res-bis, la chose double, à la fois mâle et femelle) qui correspond à l'Adam Kadmon de la kabbale, et à l'Anthropos gnostique, l'Homo Maior des temps mythiques. Il convient de souligner que le rebis n'est pas une anomalie biologique hermaphrodite, une synthèse statique des éléments mâle et femelle, mais la chose double (comme l'indique son nom) dans laquelle ces éléments se complètent et s'élèvent mutuellement plutôt qu'ils se neutralisent, ne se situent dans une position antagoniste : 'Je est un autre' nous rappelle Rimbaud. Dans le Rebis, qui n'est par conséquent qu'un autre nom pour désigner la Pierre philosophale, l'anima (ainsi que Jung nomme le principe femelle chez l'homme) et l'animus (terme de Jung pour désigner le principe mâle chez la femme) sont deux aspects du même être dont l'existence dépend de cet antagonisme complémentaire, ou pour reprendre les termes de Engels, de 'l'inclusion de la diversité dans l'identité' (Dialectique de la nature).
Le rebis est le fruit des 'Noces chymiques' entre le mercure (le principe lunaire, femelle) et le soufre (le principe solaire, mâle). Dans les figures de rhétorique de l'alchimie, ces deux éléments sont représentés par Gabricus et Beya, le couple frère-sœur qui, pour Jung, est une allégorie des contraires dans sa globalité ". Pour Jung, les 'Noces chymiques' constituent une métaphore décrivant la réconciliation de l'anima (Beya) avec l'animus (Gabricus). Leur union symbolise "le retour à l'unité primordiale, c'est pourquoi l'artifex [l'alchimiste] qui cherche à réaliser cette union est souvent aidé par sa soror mystica [sœur mystique, son égale]. " (dernière citation de Marie Delcourt, Hermaphrodite. Mythes et rites de la bisexualité dans l'Antiquité classique, PUF, 1958)

Pour Zozime de Panapolis (alchimiste égyptien du 3ème siècle), la licorne était le symbole du premier mercure : " un animal s'appelle l'unicorne, qui reconnaît la pureté des vierges […] Nous avons pris la pierre d'escarboucle sur le front de l'animal, car on la trouve sous la corne. " Le schéma est constant : une femme ou tout symbole féminin porte le Graal, la coupe, la lampe à huile, la pierre.
Dans l'œuvre de Zozime l'escarboucle donne à l'humain " une telle vigueur que ses os et sa chair retrouvent aussitôt leur jeunesse ".
Cette pierre porte aussi le nom de Graal écrit le poète épique allemand Wolfram von Eschenbach (v.1170-v.1220, auteur de Parzival) pour qui la jeune fille est une licorne.

L'origine du motif de l'escarboucle au front de la licorne pourrait être d'origine arabe : Le Livre des 70 et le livre du Poisson de Geber (Jabir Ibn Hayyan, v. 721-815) relate le voyage fantastique à la recherche d'un mystérieux " médecin de la mer " qui porte sur le front une pierre possédant les propriétés de l'élixir et qui s'avère être une jeune fille. Elle porte donc sur le front une pierre qui a les vertus curatives de l'élixir (c'est un " médecin ").

Défilons davantage l'écheveau des ressemblances. Wolfram remplace la jeune fille par la licorne qui, pour Zosime est le premier mercure appelé aussi "mercure de fleuve ". Pour l'alchimie grecque, l'escarboucle est une pierre marine car elle la fabrique à partir de biles d'animaux marins, poissons et cétacés, et l'appelle " pourpre marine ". Cette " Dame de la mer " qui porte la pierre d'escarboucle " pourpre " est structurellement semblable à la Vénus porteuse de la coupe d'or.

Le thème de la pierre portée au front par la femme est un thème courant au XIIè siècle. Alain de Lille dans de Planctu Naturae décrit la Nature comme une femme d'une grande beauté qui descend du ciel, somptueusement parée et vêtue. Elle porte un diadème de pierres précieuses qui symbolisent les planètes et le zodiaque. Sur le devant du diadème (donc sur le front de Dame Nature) brillent trois pierres.
La première est intéressante : " Lapis primus, noctis frigus in luminis incendio pati jubeat exsilium, in quo, ut faceta picturae loquebantur mendacia, leonis effigiata fulminabat effigies. " - " La première pierre, telle que l'éclat de sa lumière enverrait en exil le froid de la nuit, et sur laquelle, en un plaisant trompe-l'œil dans le jeu des facettes, brillait l'image du lion. "
http://www.thelatinlibrary.com/alanus/alanus1.html


Cette pierre est le Soleil car y brille l'image du Lion, signe zodiacal où le soleil a son "domicile". A l'opposé (à 180°) du signe du Lion, le zodiaque place le signe d'hiver du Verseau, où le Soleil est dit, en termes astrologiques, en exil. Le texte d'Alain de Lille signifie que la première pierre du diadème de Dame Nature est comparable au Soleil en exil, capable du réchauffer la nuit froide de l'hiver du Verseau.

Jean Perréal reprend ces thèmes dans la miniature de Complainte de Dame Nature à l'alchimiste errant, dans La Dame (la tapisserie Pavie) et dans La Chasse (la licorne morte à la corne cassée à sa base).

 

Notre pèlerin (ou aspirant-apprenti) devra triompher de l'épreuve de la Terre et de la mort (en mourant à la Terre et renaissant à la Lumière), puis être successivement purifié par l'Air, l'Eau et le Feu.
- le Corps ("où une structure d'organes permet l'action au sein du monde") lié à la Terre (tapisserie 2 ?)
- le Cœur ("où fleurissent doucement la passion et la sensibilité") lié au Feu (tapisserie 4 ?)
- l'Intellect ("où s'épurent la pensée et la rationalité, les concepts et les idées") lié à l'Eau (tapisserie 3 ?)
- l'Âme ("où s'ancrent le sens et sa quête, le relatif et l'absolu, l'instantané et l'intemporel") liée à l'Air (tapisserie 5 ?) (citations de Marc Halévy).

Cinq étapes dans ce cheminement : le dépouillement (tapisserie 5 ?), la purification (tapisserie 3 ?) par les éléments de Dame Nature, l'étude (tapisserie 2 ?) (des métiers et de leurs outils, en autres), la mort (tapisserie 6 ?) et la résurrection (tapisserie 7 ?). La Chasse raconte cette "marche".

 

Comptons les anneaux visibles au collier du Roi : 18 soit 2 fois 9.

La symbolique de 9 est universelle et primordiale. 9 ou l'ennéade est le chiffre mystique par excellence qui " accouche de lui-même " (9 a la forme du fœtus, du germe végétal), symbole du renouveau : neuf mois de conception sont nécessaires pour la naissance d'un enfant ; après 9, symbole de l'ensemble d'un cycle, une nouvelle série commence, celle des nombres décimaux avec 10, symbole de l'éternel retour.

Dans la Bible, 9 représentant la plénitude spirituelle. La première épître aux Corinthiens compte 9 dons de l'Esprit et les Galates, 9 fruits de ce même Esprit : l'amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bénignité, la fidélité, la douceur, la tempérance. Chiffre le plus parfait car carré du premier impair (le chiffre 3, symbole du temps et de l'espace, nécessaire à la création) ; 9 : impair lui aussi donc " mâle " pour les Pythagoriciens.

9, c'est 3 fois la Trinité, engendré par le triangle. 9 est symbole de l'indestructibilité : multiplié par n'importe quel autre nombre, il se reproduit toujours lui-même en additionnant les chiffres du résultat : 2 x 9 = 18 et 8 + 1 = 9 ; 3 x 9 = 27 et 2 + 7 = 9 ; etc...

Dans la numérologie hébraïque, le mot pour signifier "vie" a pour somme 18.

 

l'hiérogamie : union divine du dieu et de la déesse (ici union cérémonielle, rituelle, du roi et de la reine)

— le monde se régénère chaque fois que l'hiérogamie est imitée par une union matrimoniale : fécondité, opulence et bonheur sont assurés.

le renouvellement du roi (souligné par le doigt pointé d'un chasseur) :

par la mort du souverain précédent (celle de la licorne)

par la naissance du fils 'régénérateur' : l'opération finale, la fixation, où apparaît la couleur rouge, est figurée par un enfant nouveau-né ou par un "jeune roi couronné" ou revêtu de l'habit royal enfermé dans l'œuf philosophique. Il est le symbole de la pierre philosophale, de l'élixir. Le corps, l'âme et l'esprit ne font plus qu'un et l'alchimiste-pèlerin est devenu un homme spirituellement réalisé.

(Cette désignation d'un doigt accusateur du couple 'royal' pourrait aussi concerner Eve et Adam, chassés du Paradis, et responsables de la mort du Christ pour le rachat de leur "faute" et de leur "chute" !)

Hélène et Pâris sont, dans l'alchimie, le couple royal. Les flammes qui couronnent la ville de Troie sont à considérer comme la fournaise qui chauffe l'athanor. Le couple princier qui accueille et la licorne morte et le pèlerin est aussi le couple alchimique.

 

par l'œuf 'marron' dessiné par l'encolure du cheval et le bras gauche de la reine

(L'œuf des philosophes ou vaisseau était un ballon assez résistant couramment en verre, mais aussi en terre ou en métal, cuivre ou fer, où l'on plaçait la matière.)

"L'œuf est un germe de vie, investi d'une haute signification symbolique : c'est un symbole non seulement cosmogonique, mais aussi " philosophique " ; d'une part, l'œuf orphique, le commencement du monde, et d'autre part l'ovum philosophicum de la philosophie médiévale de la nature, c'est-à-dire le vase duquel, au terme de l'opus alchymicum, sort l'homunculus, autrement dit l'Anthropos, l'homme spirituel, intérieur et complet, le chên-yen (littéralement : l'homme complet) de l'alchimie chinoise. " C.G. Jung, L'Ame et le Soi, Albin Michel, 1990, p.67.

" Le Fils de l'Homme " : il s'agit d'une figure mythologique assez familière dans le monde hellénistique, celle d'Anthropos ou de l'Homme primordial. Le mythe est d'origine indo-iranienne (cf. Purusha, Gayomart), mais les précédents immédiats du " Fils de l'Homme " (= l'Homme) sont à chercher dans le syncrétisme religieux irano-" chaldéen ". Mircea ELIADE, Histoire des croyances et des idées religieuses, tome 2, p.249

Émilie Granjon, Sémiogenèse de la symbolique alchimique. Étude des gravures de l'Atalanta fugiens (1617), thèse en sémiologie, université du Québec à Montréal, 2008.
https://archipel.uqam.ca/835/1/D1637.pdf
Émilie Granjon, Comprendre la symbolique alchimique, Presses Université Laval, 2012.

Le cercle extérieur circonscrit les 'personnages' importants de cette ultime séquence de la "chasse - quête" : la Licorne morte, le Pèlerin et ses deux chiens, la Reine et le Roi, le Dauphin et le Peintre-chien (le perro-réal)

D'après Michael Maier (1568–1622 - médecin et alchimiste allemand qui fut conseiller de l'empereur romain germanique Rodolphe II de Habsbourg) (cité par Julius Evola, p.196), la phase dernière, la rubedo, est un Feu sempiternel, son emblème est le cercle dans lequel se convertit le "triangle parfait" du Corps, de l'Esprit et de l'Ame.

 

 

 

Peut-on retrouver dans cette tapisserie le symbole de l'Œuvre achevé, signe qu'indique la 12ème lame du Tarot : un triangle à sommet inférieur, dont le côté supérieur est surmonté d'une croix ?

 

Un jeune homme est pendu par le talon. Celui-ci ne semble pas souffrir de sa position.
Le symbole de l'accomplissement du Grand Œuvre alchimique, un triangle à l'envers surmonté d'une croix, est stylisé par la forme des jambes croisées et des bras dans le dos. Le personnage a les mains liées dans le dos pour l'empêcher de se libérer et d'agir. La voie empruntée par le pendu est sans possibilité de retour.

https://www.7tarot.fr/carte/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_des_cartes_de_tarot

 

Pour Henri de La CROIX-HAUTE, (Du Bestiaire des alchimistes, Le Mercure Dauphinois, 2003), l'œuf :
- est un des symboles religieux les plus anciens de la globalité
- est une enveloppe protectrice, matrice d'une gestation vers une naissance
- contient un germe humide que la chaleur de la poule va mener à la Vie
- était la force créatrice en Egypte
- en Perse et en Chaldée, il était l'univers où se combattaient Ormuzd le créateur et Ahriman le destructeur
- en Iran, le shah faisait distribuer aux printemps des œufs coloriés de fines miniatures pour signifier la Résurrection (voir nos 'œufs de Pâque')
- en Gaule : Pline signale que les 'oursins fossiles' qu'il appelait "Anguinu", étaient considérés comme des "oeufs de serpents". Il semble que ces fossiles aient été en usage dans la religion celtique et utilisés pour préserver de la foudre, du venin et d'empoisonnements divers. Ils symbolisaient l'œuf du Monde d'où serait sortie toute la création. Les Franc-Maçons l'ont repris sous la forme de l'étoile flamboyante.
- une pierre a été découverte dans les fondations de Notre-Dame de Paris sur laquelle un druide protège un œuf sacré contre des serpents.

La Pierre Philosophale provient d'un œuf contenant les trois substances formatrices : le ferment, le soufre et le mercure, comme l'illustre la figure III des Douze Clefs de Sagesse de Basile Valentin :

planche de l'édition allemande de 1678

Le Dragon symbolise la Matière première. Deux petits cercles l'entourent l'un ses ailes, pour indiquer le Volatil, l'autre ses pattes pour indiquer le Fixe. Les trois serpents et le triangle représente les trois principes le tout est renfermé dans l'Œuf des Philosophes.

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Dans chacune de ces trois séquences, le peintre s'est " représenté " deux fois :

- Le pèlerin lui-même

- Le chien : le prénom d'Anne de Bretagne, ou peut-être celui d'Anne de France (Dame de Beaujeu, régente), possibles commanditaires de la tenture, se lit sur les colliers de certains chiens par les deux lettres extrêmes A-E. Chaque chien ainsi nommé peut être un perro - réal (soit Perréal). Seuls ces chiens qui côtoient notre pèlerin portent des colliers où peut se reconnaître une coquille Saint-Jacques, attribut du pèlerin.

 

Icon Peregrini, gravure du 15ème siècle

les couleurs des vêtements successifs du Pèlerin

 

 


 

tapisserie 3

 

tapisserie 4

tapisserie 5

tapisserie 6

coiffe
bleu
rouge
?
tête nue (en geste de respect)
veste
rouge
marron clair
?
bleu
pantalon
bleu
rouge
?
rouge
bottes + sur-bottes
blanc + noir
marron foncé + blanc
?
rouge + marron foncé

Quelle partie du costume considérer pour évaluer une progression qui respecte l'ordre des étapes alchimiques : nigredo - albedo - rubedo ?
Les bottes, du blanc au rouge
?

Julius Evola nous apprend (pp.192sq) que : - " Dans les textes, outre les trois couleurs fondamentales — noir, blanc, rouge — on en rencontre souvent d'autres. En principe, elles sont sept en tout, et alors on doit se reporter aux correspondances planétaires. Toutefois en ce qui concerne leur lieu dans l'Œuvre, plus d'une interprétation est possible."

- "Pour Nicolas Flamel, l'apparition des sept couleurs serait en rapport avec l'opération de l'Esprit qui s'adapte au Corps, au moyen de l'Ame."

- Cesare Della Riviera (1538- 1625) indique l'ordre suivant : Saturne, Jupiter, Mars, la Terre, Vénus, la Lune, le Soleil

- Dom Antoine-Joseph Pernety (1716-1796) donne l'ordre suivant : Plomb (Saturne, noir), Etain (Jupiter, gris), Argent (Lune, blanc), Cuivre (Vénus, rouge-jaune), Fer (Mars, couleur rouille), Pourpre et Or (Soleil, rouge).

- Pour l'Anglais Eyrénée Philalèthe (George Starkey), l'ordre est le suivant : Mercure pour préparer Saturne (noir), Lune (blanc), Vénus (vert), bleu-ciel, rouge-brun, pourpre pâle, orange (rouille) et enfin le rouge du Soleil.

- Dans l'antique tradition hellénique, rapportée par Stephanius, l'ordre est différent : Saturne (plomb), Jupiter (bronze), Mars (fer), Soleil (or), Vénus (cuivre), Mercure, Lune (argent).

 

Accompagné de son chien dressé, il est à rapproché d'une figure du Tarot : Le Mat (ou Le Fou), carte qui évolue librement dans la structure du Tarot, mais aussi en dehors de cette structure. En alchimie, Le Mat est le Mercure, la Matière Première ; et le Fou et le Sage, artisans de l'Œuvre comme le pèlerin, se confondent.

(Le premier jeu de cartes à jouer dessinées connu apparaît vers 1367, important dans la mancie, et plus tard avec le Tarot, comme support à la méditation symbolique.)

 

 

 

Les cygnes et les pigeons ou colombes, symboles de blancheur et de pureté retrouvées, placés presque au centre de la sixième tapisserie, dans un espace très clair, à l'arrivée du pèlerin, peuvent être interprétés comme la présence du phénix rouge (qui pourrait être le bonnet rouge que l'homme central a enlevé) qui clôt la quête du 'lapis'. Le phénix est le symbole de la métamorphose et une allégorie connue de la résurrection du Christ (que la tapisserie suivante illustre) et de la resurrectio mortuorum en général.

Ici, il s'agit de la fin d'une quête initiatique : les oiseaux s'envolant (pigeons ou colombes) pour évoquer la phase de 'volatilisation ou sublimation', les oiseaux 'à terre' nageant sur l'eau (les cygnes) pour la 'précipitation ou condensation', réunissant en un même 'instant' dessiné les phases nécessaires du "processus d'individuation". Ce processus de croissance psychique, presque invisible et spontané de l'inconscient, vise à l'accord du 'conscient' avec son propre centre intérieur, le noyau psychique ou Soi, selon la terminologie jungienne.

En alchimie, les oiseaux représentent des "esprits" ou des "âmes" ou encore "l'aqua", soit la substance de transmutation extraite. L'apparition de deux colombes indique le mariage imminent du filius regius et l'abolition des opposés opérée par l'union.

Selon René Guénon, le symbole du cygne est lié à l'Apollon hyperboréen. Pour les Grecs, Kyknos était le fils d'Apollon et d'Hyria, soit du Soleil et de la " terre solaire ". Hyria est une autre forme de Syria, " l'île sacrée ", nommée encore " Ablun ", " Belen ", " Avalon ", " Thulé " ou " Tula " hyperboréenne, la Syrie primitive dont parle Homère comme une île située " au-delà d'Ogygie ", lieu de la langue " adamique ", la " langue syriaque ", le " langage des oiseaux ".
C'est dans cette " île " que viennent d'arriver notre Pèlerin et la Licorne.

 

De Julius EVOLA, page 38 : "Le long de cette voie, la connaissance de soi et la connaissance du monde se conditionnent mutuellement jusqu'à devenir une seule et même chose merveilleuse, véritable but du Grand Œuvre : puisqu'ici et au dehors, en haut comme en bas, dans l'esprit et la nature comme dans l'organisme humain, les Trois, les Quatre, les Sept et les Douze, le Soufre, le Mercure, le Sel, les Planètes, le Zodiaque sont présents. 'Le four est unique, affirment énigmatiquement les 'Fils d'Hermès', unique la voie à suivre, unique aussi l'Œuvre'. Il y a une seule Nature et un seul Art. L'opération est unique, et en dehors d'elle, rien d'autre n'est vrai".

 

Les écrits et l'iconographie alchimiques le relatent sans cesse : la matière doit être symboliquement mise à mort de façon dramatique et sacrificielle. C'est le nigredo, l'Œuvre au Noir, au cours duquel la mort travaille : roi et reine décapités ou gisant dans leur sépulcre, Mercure mutilé par Saturne, serpent crucifié… La Passion du Christ aurait eu selon les Evangiles cette violence et cette cruauté que La Chasse narre. Puis viendra, après la Crucifixion, le repos édénique. Transmutation.

Trans-mutation quand on a longtemps marché. Ici se re-découvre la Terre dans son ample volume, " matérialité grossière d'abord puis Terre pure, vierge et adamique dont naît " l'Enfant des Sages " et où " trouve à se boucler la circularité ouroborique de périple philosophal. " (Françoise BONARDEL - p. 632)

 

 

Après le jaillissement du sang et de l'eau christiques tombé sur la terre, c'est le jaillissement végétal.

La Mort a engendré la Vie.

 

Cette tapisserie souligne aussi l'un des thèmes alchimiques importants : trouver la Lumière en soi.

La réalisation de la "Pierre" s'est aussi la transmutation d'un corps physique en un corps incorruptible, "corps divin", "corps de gloire", symbolisé par l'Or supérieur.

Ce repos de la "septième tapisserie" est une imitatio dei : Dieu s'est reposé le septième jour de la Création.

L'état de béatitude, l'eudaimonia, de contemplation, qui se lit dans le regard et l'attitude de la licorne, est une imitation de la condition divine.

La chaîne n'est plus d'incarcération, mais d'Amour.

 

Cette tapisserie recense 'les points de lumière' :

 

- la création du Cosmos : FIAT LUX (l'expression peut se lire de droite à gauche et de gauche à droite sur les éléments de l'enclos)

- la naissance de Jésus (l'enclos est la crèche ; la licorne semble se lever)

- la résurrection du Christ

- la seconde venue du Christ sur Terre pour le Jugement Dernier

 

" Des deux pèlerins qui s'acheminent vers la vision de la divinité, l'un, l'Adepte, s'en remet au Prophète, l'autre, le théoricien ne compte que sur la seule théologie : il abandonnera dès la première étape. Celle-ci est l'échelle des Cieux, correspondant aux sphères des sept prophètes et des sept planètes. La deuxième étape sera celle des Stations épiphaniques, jusqu'au Trône du Miséricordieux ; la troisième, celle des Demeures théosophales jusqu'à la présence de l'Un.
Tandis que le théoricien, sceptique et réfractaire, se contente des enseignements fragmentaires des planètes, 1'Adepte est accueilli par les entités spirituelles des prophètes, qui lui révèlent les mystères théosophiques du Grand Œuvre. (Ibn Arabî sait que l'alchimie, d'essence divine, procède de la prophétie.) Admis au paradis, l'Adepte, terrassé par l'extase, sera initié aux Noms divins, à la force magique des formes, à l'interprétation des songes, aux fins dernières, au monde des essences. Dans la troisième étape, l'univers suprasensible lui sera dévoilé. II est admis à connaître la Matière première, il reçoit la vision de l'Âme du monde - la " Table gardée " - et de l'Intellect suprême - le " Calame ". Il atteint enfin la Nuée, la Présence de l'Un-Seul. Cheminant avec Dieu, il se laissera porter sur la "Litière de la divine Sollicitude ".
Quant au théoricien, ridicule mais repentant, il parcourra en un éclair tous les degrés de l'ascension. "

Jean Biès, Les Alchimistes, Kiron-Philippe Lebaud, 2000, p.178

 

Les grenades surmontées d'une couronne

La grenade : Jean Boucher relève qu'elle symbolise la charité (graines nombreuses), l'humilité (graines sous l'écorce), l'union des Chrétiens dans l'Eglise (graines serrées), la fécondité de la génération et de la richesse, la vulve (si ouverte), la sexualité (dans l'ésotérisme antique : Babylone, Grèce, Syrie ; dans les cultes lunaires indien et tantrique).
La grenade a été reprise par la Franc-Maçonnerie : " les graines noyées dans une pulpe transparente " désignent les Maçons unis entre eux par un idéal commun. De plus, l'écorce de la racine est toxique : " les Maçons, issus d'un monde mauvais par essence, s'élèvent à un état d'excelsion. " (pp.142/3)

Jules BOUCHER, La Symbolique maçonnique, Dervy, 1998

 

 

René Guénon, Symboles fondamentaux de la Science sacrée, Gallimard, 1962, pp. 332-335


L'Arbre de Vie et le breuvage d'immortalité

En parlant de " l'Arbre du Monde " nous avons mentionné notamment, parmi ses différentes figurations, l'arbre Haoma de la tradition avestique ; celui-ci (et plus précisément le Haonua blanc, arbre " paradisiaque ", puisque l'autre, le Haoma jaune, n'en est qu'un " substitut " ultérieur) est particulièrement en relation avec son aspect d' " Arbre de Vie " car la liqueur qui en est extraite, et qui est appelée aussi haoma, est la même chose que le soma védique, qui, comme on le sait, s'identifie à l'amrita ou " breuvage d'immortalité ".

Que le soma soit d'ailleurs donné comme extrait d'une simple plante plutôt que d'un arbre, il n'y a là aucune objection valable contre ce rapprochement avec le symbolisme de " l'Arbre du Monde " ; en effet, celui-ci est désigné par de multiples noms, et, à côté de ceux qui se rapportent à des arbres proprement dits, on rencontre aussi celui de " plante " (oshadhi) et même celui de " roseau ".


Si l'on se reporte au symbolisme biblique du Paradis terrestre, la seule différence notable qu'on y constate à cet égard, c'est que l'immortalité est donnée, non par une liqueur tirée de " l'Arbre de Vie ", mais par son fruit même ; il s'agit donc ici d'une " nourriture d'immortalité ", plutôt que d'un breuvage ; mais, dans tous les cas, c'est toujours un produit de l'arbre ou de la plante, et un produit dans lequel se trouve concentrée la sève qui est en quelque sorte l' " essence " même du végétal.

Il est aussi à remarquer d'autre part que, de tout le symbolisme végétal du Paradis terrestre, " l'Arbre de Vie " seul subsiste avec ce caractère dans la description de la Jérusalem céleste, alors que tout le reste du symbolisme y est minéral ; et cet arbre porte alors douze fruits qui sont les douze " Soleils ", c'est-à-dire l'équivalent des douze Adityas de la tradition hindoue, l'arbre lui-même étant leur commune nature, à l'unité de laquelle ils reviennent finalement.
[…]

Cette dernière remarque nous ramène à ce que nous avons dit précédemment au sujet du Paradis terrestre, qui est encore effectivement une partie du " cosmos ", mais dont la position est pourtant virtuellement " supra-cosmique " ainsi s'explique que, de là, le fruit de " l'Arbre de Vie " puisse être atteint, ce qui revient à dire que l'être qui est parvenu au centre de notre monde (ou de tout autre état d'existence) a déjà conquis l'immortalité par là même ; et ce qui est vrai du Paradis terrestre l'est naturellement aussi de la Jérusalem céleste, puisque l'un et l'autre ne sont en définitive que les deux aspects complémentaires que prend une seule et même réalité suivant qu'elle est envisagée par rapport au commencement ou à la fin d'un cycle cosmique.

Il va de soi que toutes ces considérations doivent être rapprochées du fait que, dans les différentes traditions, des symboles végétaux apparaissent comme " gage de résurrection et d'immortalité " le " rameau d'or " des Mystères antiques, l'acacia qui le remplace dans l'initiation maçonnique, ainsi que les rameaux ou les palmes dans la tradition chrétienne, et aussi du rôle que jouent d'une façon générale, dans le symbolisme, les arbres qui demeurent toujours verts et ceux qui produisent des gommes ou des résines incorruptibles.

D'un autre côté, le fait que le végétal est parfois considéré dans la tradition hindoue comme étant de nature " asurique " ne saurait constituer une objection ; la croissance du végétal est en partie aérienne, mais aussi en partie souterraine, ce qui implique en quelque sorte une double nature, correspondant encore en un certain sens à " l'Arbre de Vie " et à " l'Arbre de Mort ". C'est d'ailleurs la racine, c'est-à-dire la partie souterraine, qui constitue le " support " originel de la végétation aérienne, ce qui correspond à la " priorité " de nature des Asuras par rapport aux Dêvas ; au surplus, ce n'est assurément pas sans raison que la lutte des Dêvas et des Asuras est représentée comme se déroulant principalement autour de la possession du " breuvage d'immortalité ".

De la relation étroite du " breuvage d'immortalité " avec " l'Arbre de Vie ", il résulte une conséquence fort importante au point de vue plus spécial des sciences traditionnelles : c'est que l'" élixir de vie " est plus proprement en rapport avec ce qu'on peut appeler l'aspect " végétal " de l'alchimie, où il correspond à ce qu'est la " pierre philosophale " pour son aspect " minéral " ; on pourrait dire en somme que l' " élixir " est l' " essence végétale " par excellence.

On ne doit d'ailleurs pas objecter à cela l'emploi d'une expression telle que celle de " liqueur d'or ", qui, tout comme celle de " rameau d'or " que nous rappelions tout à l'heure, fait en réalité allusion au caractère " solaire " de ce dont il s'agit ; il est évident que ce caractère doit avoir son expression dans l'ordre végétal aussi bien que dans l'ordre minéral ; et nous rappellerons encore à cet égard la représentation du soleil comme " fruit de l'Arbre de Vie ", fruit qui d'ailleurs est aussi désigné précisément comme une " pomme d'or ".

 

Il nous faut imaginer le bruit que chaque tapisserie prétend évoquer mais étouffe en ses fils tressés (les musées sont si silencieux !) : les aboiements de la meute des chiens, les cris, les appels, les rires, les quolibets et les chants des chasseurs, les envols et les courses des autres animaux effrayés. Le Pèlerin ignore tout de ce vacarme. Regarde-le, il marche, silencieux en lui-même, concentré sur son but qu'il fixe des yeux. Six jours de marche pour rejoindre La Reine et le Roi. Le septième jour est celui du silence, du repos, de la sérénité. Le Pèlerin-Licorne savoure ce lieu paradisiaque où le peintre a celé le mystère du Cosmos qui ne cesse de se créer, dans le lent tourbillon de son Zodiaque, de ses Planètes. Du Chaos organisé de la tapisserie 2 ... au Cosmos en création sempiternelle dans l'ultime tapisserie 7, sous l'action permanente de la Corne-Dieu.

 

" Si l'on peut en effet parler du drame chymique en termes de théâtralité, et si l'action curative du théâtre fut parfois comparée à une transmutation, n'est-ce pas que les scènes théâtrale et philosophale autorisent justement ce que prohibent les métaphysiques une incarnation de l'invisible dans une " matière " par ce jeu cruel purifiée ?
[…] Or s'il s'agit bien, en alchimie aussi, d'accéder à un surplus de " réalité ", la scène philosophale travaille pourtant à une glorification seconde du manifesté … Il ne paraît donc pas indifférent quant au statut et aux visées propres de l'Art d'alchimie que la " matière " se donne ainsi à voir, s'épiphanise, se spectacularise, dans la mesure où la Nature est reconnue pour être le Lieu et l'instrument d'une autre forme de démystification de l'illusion qui n'atteint pas le manifesté en tant que tel, mais seulement certaines de ses carences ou inflations entravant la " gloire " à laquelle il peut légitimement aspirer. " (Françoise BONARDEL - p. 508-9)

" Foncièrement dramatique donc, en ce qu'elle donne continûment " à voir " les transformations d'une matière travaillée par de terribles tensions ; et initiatrice en ce qu'elle procède bien à une comparable purification et élévation, la scène " chymique " ici envisagée dans son rapport à la théâtralité trouve-t-elle véritablement dans le drame un mode d'exposition et de résolution comparable au processus et à l'Œuvre philosophal ? Forme théâtrale en ce cas distinguée de la tragédie, le drame est alors supposé permettre le dépassement de la tension liée à l'exaspération des antagonismes, par une forme de " synthèse " supérieure aux vertus transfigurantes, apaisantes ou réconciliatrices selon les circonstances, mais en tout état de cause assimilable à la réalisation du Grand Œuvre. " (p. 544-5)


" Prise de Terre faisant configurer globalité, intégrité et générosité ; ce qu'on nomme panacée, remède universel, n'étant peut-être que l'entrevision d'une telle contemporanéité, attestant que l'Œuvre est désormais incorporé grâce à une ultime et conjointe mutation de la " matière " et de l'espace médiateur enfin devenu, par ce retournement du regard vers la Terre, spatialité rayonnante, coeur. " (p. 635-6)

" …une Terre offrant à la " matière " la chance d'une corporification que l'amplitude de l'espace ainsi englobé autant que préservé prémunit de devenir le lieu d'une nouvelle incarcération. L'accent à nouveau mis sur la gestualité opérative, propre à la "reconduction en Terre" cette fois-ci, permet donc dc mettre au jour une ultime modalité d'apparition de l'espace visionnaire de transmutation qui, définitivement dégagé de l'entre-deux dissolvant des limbes, et rendu opératif par la relation contemplative et active de l'Artiste et de sa "matière", permet d'attribuer au Vase philosophal devenu " coeur " les vertus multiplicatives et corporisantes de la Pierre, dont la désignation comme Terre rappelle que par cette conversion la réalisation de l'Œuvre y fut contemporaine d'une inflexion du regard et de la " matière " vers " l'humble degré terrestre " :

Elle, c'est vrai, n'existait point. Mais parce qu'ils l'aimaient
bête pure, elle fut. Toujours ils lui laissaient l'espace (...)
Ce ne fut pas de grain qu'ils la nourrirent, mais
rien que, toujours, de la possibilité d'être.
Et cela lui donna, à elle, tant de force,
qu'elle s'en fit une corne à son front. L'unicorne.

( Rainer Maria Rilke) (p. 637)

 

" On a certes remarqué que les grandes découvertes — la métallurgie, l'agriculture, le calendrier, " la loi ", etc. — avaient notablement modifié la condition humaine. Mais on n'a pas compris la dynamique intime de cette modification et ses implications cosmiques.

En effet, avec chaque nouvelle découverte fondamentale, l'homme ne se borne pas à élargir la sphère de sa connaissance empirique et à renouveler ses moyens de vivre, il découvre un nouveau niveau cosmique, il fait l'expérience d'un autre ordre de la réalité.

Ce n'est pas la découverte des métaux en tant que tels qui a provoqué le bond mental c'est leur " présence " qui a permis à l'homme de découvrir un autre niveau cosmique, c'est-à-dire d'entrer en contact avec des réalités jusque-là inconnues ou sans signification. Autrement dit, la métallurgie — tout comme l'agriculture, etc. — provoque des synthèses mentales qui modifient radicalement la condition humaine, en modifiant l'image que l'homme se fait du Cosmos.

Ces synthèses mentales, dépassées ou dévoyées par les découvertes ultérieures, sont les vrais facteurs de l'évolution psychique et spirituelle de l'humanité. Chose qu'il convient de souligner d'autant plus que la science moderne a superbement négligé la signification cosmologique et la valeur expérimentale de ces découvertes. Il ne s'agit pas seulement d'un nouvel instrument dans la lutte pour l'existence (le métal, l'agriculture, etc.), mais de la révélation d'un autre Cosmos, dont les niveaux et les rythmes étaient jusqu'alors inaccessibles à l'homme.

Cette " révélation " doit être entendue dans le sens étymologique du mot. Devant l'homme " s'ouvre " un nouveau niveau cosmique, dans lequel il pénètre concrètement, expérimentalement.

" La présence " des métaux à ses côtés lui fait découvrir, par exemple, le moyen magique d'établir des rapports avec " les cercles métalliques " ou avec " la matrice de la terre dans laquelle ont " poussé " les minerais. La seule intervention du métal dans l'expérience de l'homme modifie radicalement sa structure parce qu'elle a modifié toute sa synthèse mentale en ce qui concerne le Cosmos. " pp. 15-16

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" Les étapes de la vie mentale de l'humanité sont en rapport direct avec quelques découvertes importantes la métallurgie, l'agriculture, la mesure du temps, etc. Avec chacune de ces découvertes, l'homme entrait en contact, dirions-nous, avec un autre ordre de réalités et s'intégrait à un nouveau Cosmos. La découverte de l'agriculture, par exemple, intégra l'homme à un Cosmos vivant, dont les lois se trouvaient sous le signe de l'identification de la Terre à la femme, à la pluie, à la fécondité, à la naissance et à la mort.

Il ne s'agit pas seulement d'homologations et d'équations symboliques entre ces réalités de niveaux différents, mais d'expériences rendues possibles par la découverte du phénomène agricole et par un long vécu selon les rythmes de la vie végétale. Soulignons surtout le fait que ces expériences modifièrent totalement la structure mentale de l'humanité : l'agriculteur connut des réalités inaccessibles au nomade, il découvrit des lois et comprit des symboles auxquels son esprit était absolument opaque avant qu'il ne vécût l'expérience végétale.

Une modification similaire de la structure mentale se produisit lors de la découverte de la métallurgie. Un autre Cosmos fut connu, révélé, par le travail des métaux qui, nous le verrons, étaient conçus eux aussi comme des organismes vivants.

L'apparition des métaux et des rituels métallurgiques provoqua des expériences et alimenta des processus spirituels qui changèrent l'homme dans le sens concret du mot. C'est-à-dire qu'il ressentit et regarda autrement le monde, qu'il découvrit des réalités qui lui étaient jusque-là inaccessibles. Chaque étape fondamentale de l'histoire de l'humanité rendit donc possible la " pénétration " de l'homme dans d'autres niveaux cosmiques. Chaque nouvelle modification de la structure humaine signifie aussi, dans un certain sens, une nouvelle fructification de la conscience, l'homme acquérant de nouvelles zones d'expérience et découvrant des analogies entre des niveaux de réalité très différents." (pp. 83-84)

Mircea Eliade, Cosmologie et alchimie babyloniennes, Gallimard, 1937 en roumain et 1991 en français, traduit par Alain Paruit

Relation avec la page "Jean Perréal" de "La Dame à la Licorne" : cliquer ici

Cf. : http://web.cast.free.fr/webcast03/webcast03.htm

 

 

Alchimie et cathédrales


" Discipline née en Egypte à Alexandrie et transmise par les Arabes à l'Occident chrétien au début du 12è siècle, l'alchimie médiévale comporte deux orientations principales, l'une physico-chimique et l'autre philosophique.

La première concentre ses travaux sur la transmutation des métaux. Considérant que l'or est parfait et les autres métaux " vils", ses adeptes recherchent une substance appelée " pierre philosophale ", capable de conférer à ces métaux communs la perfection de l'or. Pour percer le secret de la matière, ils observent plantes, minéraux, métaux et constatent que certains corps. chauffés au moyen de fours, de lampes à huile, de fumier fermenté pour des chauffages prolongés à température constante, voire exposés à la chaleur solaire dans des récipients scellés hermétiquement ", se transforment en gaz, vapeurs, poudres ou liquides…
Certes, la finalité de telles expériences peut paraître illusoire, mais cette alchimie préfigure néanmoins la science moderne et plus particulièrement la chimie : malgré des méthodes empiriques, les alchimistes expérimenteront des procédés nombreux et découvriront des substances nouvelles : acides, alcalis, essences…

Le deuxième courant, principalement philosophique, consiste en une quête de la perfection universelle. Tout comme le métal " vil " devait se transformer en or grâce à la pierre philosophale, l'homme devait accéder à la perfection et à l'immortalité par une transmutation mystique symbolisée par la pierre philosophale. Dans toutes les recherches alchimiques, qu'elles soient philosophique ou chimiques, cette pierre philosophale est attachée à un idéal de maîtrise du temps et d'immortalité : si la nature élabore le métal parfait, l'or, au bout de plusieurs millénaires, l'alchimiste, lui, doit proportionner la durée de ses expérimentations à la durée de l'existence humaine.

Souvent suspectés de magie ou de sorcellerie, de fabrication de fausse monnaie ou d'imposture, les alchimistes usent d'un langage allégorique, de codes et de signes connus d'eux seuls. Ils forment un groupe d'adeptes peu nombreux, qui cultivent la discrétion et le goût du mystère.

Et, dans la cité médiévale, quel lieu peut-il être plus mystérieux que la cathédrale ? Ses cryptes sombres et silencieuses, ses accès secrets ou cachés, ses petits escaliers obscurs, ses coursières entre pinacles et contreforts, ses gargouilles à figures grimaçantes ou démoniaques... exacerbent l'imagination. Son volume intérieur démesuré, à la verticalité lumineuse, dégage une atmosphère où le sacré et le surnaturel se mêlent intimement. Les multiples sculptures qui recouvrent ses porches cachent des secrets et des énigmes qui interrogent l'homme…

Cette ambiance si particulière générée par la cathédrale fascine les alchimistes. Ils s'y réunissent, exposent et commentent le résultat de leurs travaux, discutent les théories philosophales. Et surtout, ils y recherchent le sens caché des symboles, interprétant toute l'iconographie chrétienne comme autant de représentation des allégories philosophales. Le plan de la cathédrale, par exemple, est la croix, signe chrétien certes mais aussi hiéroglyphe alchimique du creuset, dans lequel la matière est purifiée et transformée, tout comme les chrétiens le sont dans l'église et la rose centrale des façades, dont le dessin évoque une immense roue, est elle-même le symbole alchimique du temps nécessaire à la coction de la matière philosophale.


A Paris, la cathédrale Notre-Dame, véritable " Liber mutus (ou " Livre muet " ), est ainsi un haut lieu de l'alchimie.

Le décor de ses trois porches plus particulièrement constitue un vaste ensemble d'images " hermétiques ", c'est-à-dire au sens caché, que les adeptes décryptent au travers de leur science.
Au porche central par exemple, une série de petits médaillons, que l'on retrouve aussi au porche de Notre-Dame d'Amiens, représente des personnages assis sur des socles, tenant sur une sorte de disque orné d'emblèmes : ils se rapportent aux différentes étapes du labeur alchimique. On observera :
- un oiseau, vraisemblablement un corbeau, représentant la Putréfaction
- un serpent pour le Mercure philosophique ;
- une salamandre pour la Calcination, un bélier, symbole du Principe métallique mâle ;
- une oriflamme à trois pennons illustre l'Evolution à travers la triplicité des Couleurs de l'Œuvre.
- Plus loin, la Philosophie, dont le disque porte le soleil et la lune, représentation des deux principes métalliques...
- Assise sur un trône, une femme personnifie l'Alchimie : elle tient de la main gauche un sceptre, signe de souveraineté, et de la main droite, elle supporte deux livres, l'un fermé (ésotérisme), l'autre ouvert (exotérisme) ; devant elle, une échelle à neufs degrés, la " scada philosophorum ", symbolise la patience nécessaire aux adeptes pour mener les neuf opérations successives du labeur hermétique. "

 

 

 

 

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